Entrevue: Annabelle Mauger
par Anna Kovler
L’installation immersive Imagine Van Gogh rassemble deux histoires qui ont eu lieu à environ 100 ans d’intervalle dans les mêmes collines et vergers du sud de la France. Au printemps 1889, après une violente dispute avec Paul Gauguin, Vincent Van Gogh se retrouve dans un asile à Saint-Rémy-de-Provence où, le cœur brisé, il peint la nature qui l’entoure. Près d’un siècle plus tard, Albert Plécy découvre une carrière de calcaire abandonnée à seulement dix kilomètres de cet asile et y fonde la Cathédrale d’Images, une programmation de projections d’images sur les murs massifs, accidentés et blancs de la carrière, accompagné de musique. Il qualifie ceci «d’expérience visuelle totale.» Après avoir travaillé sur plusieurs projets à la Cathédrale d’Images, Annabelle Mauger et Julien Baron présentent cette expérience immersive d’images et de son à Arsenal art contemporain Montréal.
Je me suis entretenue avec Annabelle à l’occasion de son exposition pour en connaître davantage sur sa production et pour savoir ce qu’elle espère nous révéler sur cet artiste que nous connaissons si bien.
Anna Kovler: Où et comment vous êtes-vous procuré les images qui sont projetées ici?
Annabelle Mauger: J’ai photographié la plupart des images avec ma propre caméra. À chaque fois que je me trouvais dans un endroit où il y avait des toiles de Van Gogh, je les filmais. Et elles ne sont jamais sous du verre. Je voulais capter les peintures sous différents angles, car, en tant qu’observateur, nous ne nous trouvons jamais simplement devant une toile... nous sommes un peu à gauche, à droite, nous marchons autour. Ce que vous voyez dans l’exposition est davantage tridimensionnel que les reproductions typiques. C’est important, car ses coups de pinceau étaient très épais.
AK: Comment avez-vous décidé de l’ordre dans lequel les toiles seraient présentées?
AM: Il y a un scénario que j’ai écrit en consultation avec un historien. Nous débutons avec Van Gogh qui arrive à Arles où il prévoit commencer un studio avec son ami Paul Gauguin. Les deux ont eu une discussion violente et Van Gogh a quitté. Je ne crois pas du tout qu’il était fou! En français, nous dirions plutôt «désappointé.» Il a alors été interné dans un bon hôpital où le docteur qui l’a sauvé lui a simplement recommandé de peindre. C’était à Saint-Rémy-de-Provence, l’endroit où il a peint tous ces paysages d’oliviers. Après cette période, il décide de retourner voir son frère, et c’est là que prend fin sa vie.
AK: Que pensez-vous de l’effet d’agrandir ces toiles? Sont-elles changées?
AM: Je crois que ça change la proximité que vous avez avec les toiles. Quand vous vous rendez dans un musée, vous ne pouvez pas vous trouver à moins d’un mètre d’une toile, mais lorsque vous êtes en face de ces immenses projections, il semble que votre nez touche la toile. Cette distance entre vous et l’œuvre s’efface et vous pouvez vous rendre dans celle-ci et voir des détails que vous n’aviez pas remarqués. Certains des coups de pinceau de Van Gogh semblent si violents, mais de près vous pouvez voir que tout est doux et courbe. C’était vraiment important pour nous de montrer cela.
AK: En quoi cela diffère de voir Van Gogh dans un musée?
AM: In French museums you go from one room to another room, and it’s like being in an Ikea shop, like being on a tour, so for me it was important that in our show viewers can go in any direction they want. Their eyes can look in any way they want. For me it’s a freeing experience. The music is another way to go deeper inside the paintings, we use music that is contemporary to Van Gogh and we can imagine what he was listening to. I always think that Van Gogh was behind me saying ‘be careful, because I’m right behind you, choose the right details.’
Imagine Van Gogh is on view at Arsenal Contemporary Art Montréal until February 2, 2020. Annabelle Mauger lives and works in Lyon, France.